Bienvenue dans la haute société. Celle où les dames sont grandes et portent la haute-couture même en nuisette. Celles qui ont assisté aux défilés la semaine dernière à Paris, l’ourlet délicat des lèvres dissimulé derrière un éventail, l’élégance d’un port de tête dégagé. Distantes, fragiles poupées de porcelaine, elles toisent les silhouettes tweedées de Chanel, les chapeaux mystérieux de Dior, elles toisent les coupes Valentino et les couleurs Gaultier. Ces dames que personne ne connaît existent-elles vraiment ? Elles ne sont ni clientes, ni consommatrices, elles sont hors du monde comme les fantômes qui le parcourent en l’effleurant, du bout d’un pied délicat. Sortent-elles un jour de leur dijon, leurs robes voient-elles la couleur du soleil, se plissent-elles sous les grains de sable ou de goudron, sont-elles parfois déchirées d’avoir trop dansé portées par l’ivresse d’une nuit d’été ? Celles qui laissent aux maisons de couture le moulage de leurs bustes, les données exactes et millimétrées de leurs corps, puis qui portent ce qui n’a été cousu que pour elles, exclusivement. Vivent-elles dans un conte austère où la magie est noire et l’exaltation impossible ? D’avoir déjà tout vu, tout porté, d’être allées partout. Sont-elles réelles, ou ne sont-elles que les mirages d’un monde divin ?





Elles sont réelles. Mais si lointaines qu’elles deviennent le miroir des illusions des gens d’en-bas, le fantasme impossible qu’ils taisent et s’interdisent.
Amélie Zimmermann.