dessins de mode

 

C’est à priori de ce premier coup de crayon que naît la mode. Lorsque d’un tracé pourtant presque aléatoire la page blanche se remplit, les formes se devinent. Une silhouette, en quelques traits décisifs, est là. Le nouveau visage de la collection, les tendances futures : tout s’y tient. Le dessin de mode capture ce qu’il y a de plus vif dans l’esprit du créateur. Ce qu’il ne peut exprimer ni avec des mots, ni avec toute autre forme d’art : il a désigné la mode pour traduire le langage incompréhensible de ses visions et de ses rêves.

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C’est ce dessin qui doit alors parler de lui-même, se suffire à lui-même. Il doit pouvoir donner aux ateliers, aux petites mains, à ceux qui vont créer tissus, accessoires, maquillage et coiffure, les indices précieux pour mettre en forme l’idée originelle, celle qui porte la collection et son message. C’est ce dessin aussi qui doit capter déjà le mouvement de la femme qui portera l’habit ; il doit, bien que plat et sans vie, être animé. Il faut l’ingéniosité, la virtuosité des grands créateurs pour pouvoir, par ces éclats de couleurs sur le papier permettre à l’industrie de fonctionner. Car ce sont eux qui sont dans ce qu’il y a de sûrement le plus artistique dans la mode : les sketches de certains couturiers pourraient être des tableaux sans toile ni cadre, des tableaux dont seule leur beauté propre suffit.

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C’est ce talent qui  précisément leur permet souvent d’accéder à d’autres rôles que celui qui leur est propre, que celui de faiseur de vêtements. Karl Lagerfeld a de nombreuses fois collaboré avec l’Opéra de Paris pour dessiner les costumes des ballets : au début d’année, Benjamin Millepied lui a demandé d’habiller ses danseurs pour le Brahms-Schoenberg Quartet de George Balanchine. De plus en plus de musées décident d’afficher ces petits dessins de mode, leur donnant ainsi une légitimité et une crédibilité dans le monde de l’art. Le musée des Arts Décoratifs de Paris expose actuellement costumes, vêtements et dessins de créateurs à l’occasion de son exposition Tenue correcte exigée.

Les outils, les armes des créateurs, ce sont les marqueurs par milliers, la déclinaison infinie des Faber-Castell et de leurs couleurs chatoyantes. Rien de plus, rien de moins : il suffit de peu, finalement, pour créer de la mode. Pourtant, de plus en plus, de nouveaux outils font leur apparition et viennent coupler, ou même remplacer ces traditionnels-ci. Tablettes, ordinateurs, logiciels ultra puissants : les instruments des info-graphistes se retrouvent entre les mains des créateurs. Certains d’entre eux engagent même d’autres mains pour dessiner à leur place (Raf Simons), de plus en plus travaillent en équipe. Les imprimantes 3D elles aussi sont intégrées au processus de création. Toutes ces nouvelles manières de fonctionner permettent l’invention de pièces inconcevables dans la simple « réalité » plastique telle que nous la connaissons. Par exemple, il serait facile de faire à partir d’un logiciel d’infographisme un tissu multicolore dont aucune couleur ne se touche, ou bien des symétries et des coupes parfaitement parfaites. Qu’est-ce que cela signifie pour le dessin de mode ?

Est-ce la fin d’une ère ? Certainement. Et il faut s’en réjouir : toutes ces techniques de création décuplent les horizons envisageables pour les stylistes. Ils peuvent désormais explorer là où auparavant les champs étaient minés. Au XXème siècle, une révolution de ce même genre avait bouleversé la mode : le développement de la photographie, introduite dans la mode par Man Ray, mais exploitée surtout à partir des années 60. Avant, les couvertures des magasines étaient dessinées, et les défilés eux aussi retranscrits à travers les dessins de mode. Désormais la photographie a balayé ces anciennes techniques. Mais le dessin de mode n’est pas mort. Aujourd’hui, dans ce nouveau contexte, c’est le même motif qui se répète. La mode s’enrichit, le dessin de mode survit, indissociables. Souvent, il est nécessaire avant d’envisager une version numérique de dessiner l’objet ; c’est lui qui permet à l’ordinateur de le concevoir, quel qu’il soit. Et même s’il ne le devient plus : l’idée, qui trotte infernale dans la tête du visionnaire, devra toujours y sortir. Et la main, libre et légère, courra sur le papier pour enfin qu’elle y voit le jour.

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Amélie Zimmermann.

2 Comments

  1. coucou je suis (du verbe suivre. haha.) ton blog depuis de nombreuses années et tu m’inspires beaucoup…continue ces beaux dessins de ta main libre et légère…

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