gao xingjian la fin du monde 2006, 240×350 cm
tout ces lendemains qui restent devant toi
les promesses non tenues qu’il te reste à promettre encore
et à remplir
pour tout ces lendemains, le ciel qui se lève et se couche, pour ces journées trop longues à vivre, ces tristesses inexploitées, pour nourrir ton coeur aride de larmes et de rires, pour tout ces vis à vis à regarder sans qu’ils ne le sachent, pour que leurs histoires laissent quelque part des traces – tout les lendemains brumeux où tu ne sauras plus où tu es, te réveiller dans les draps d’un autre pour refaire tes fautes et découvrir leur beauté, pour que tu aies le temps de t’excuser
pour que le verre se remplisse et se vide, et que tu grandisses arrosée
que tu t’accuses encore de tes maladresses et que dans le vertige de tes nuits tu les oublies
pour que les anonymes dans les rues puissent encore croire que tu es quelqu’un, pour que ton désir te pousse à des délires plus calmes et parfois plus fous, et que tu puisses croire te connaître mieux à force de vivre et à force d’abandonner ; que les occasions manquées se présentent à nouveau, les rendez-vous ratés se ratent mieux et les rencontres opportunes t’emmener dans des lieux inexplorés ; pour que ce que tu crois obscur t’éclaire, que ta lumière se fractionne, visions kaléidoscopiques de tes yeux allumés
pour empiéter l’espace réservé
que tu contemples encore un peu ce qui te lasse et t’ennuie, que les nausées des grandes peurs te parcourent encore et que les frissons des plaisirs les plus petits te fassent femme des jardins désenchantés
que l’histoire se fasse, fille corrompue des récits pas encore narrés
que tu les cries les poumons en exalte et que ta voix se casse en ricoché, que les éclats des mots te touchent autrement et que tu comprennes les mystères d’aujourd’hui : que tu acceptes d’être regardée, touchée, meurtrie, que ta conscience subisse les tournis des temps devenus des estampes, les désillusions des réalités, que tu sois palpée, pétrie, ternie
que tu te fraies un chemin à travers les voies interdites, que tu recules quand tu croiras avancer, pour que les langages que tu ne connais pas te chantent à l’oreille et pour que tu puisses répondre que
ton instinct te pousse à traverser cette route lointaine, à des rencontres que tu n’oserais pas croire, à des rencontres que tu n’oserais pas raconter ; que ton instinct te fasse animale et servile, effarouchée et soumise, seule mais dépendante
pour que les fragilités deviennent des transparences, les forces des couteaux rompus et les miroirs des fragments de vie
pour que ce qui a de l’importance n’en ait plus, que les curieux et les hébétés se posent les questions auxquelles tu penses avoir des réponses, que tes certitudes se fondent en divagations douteuses : devoir redessiner une cartographie sans repères et sans motifs, majestueuse cartographie de ton destin émietté
que tes avis se dérobent et tes opinions renaissent
pour que l’amour soit fait d’une autre manière et que le mal soit plus virtuose encore : pour que tu vives tout à fait
que la vie se consume, éternelle cigarette brulée
pour que les danses de tes mouvements hasardeux deviennent des chorégraphies muettes – et que tes retards, tes retours, tes arrêts et tes autres erreurs de parcours s’érigent en labyrinthes étourdissants
pour que de ta bouche s’échappe la fumée des mots tièdes, cheminée de chaleur et gorge de réconfort ; que de tes yeux ruissèlent encore les fleurs d’aimer, gouffres magnétiques d’une douleur ineffable
pour que les échos des voix de ceux que tu n’entends pas te parviennent, longue plainte rauque des timbres mis en sourdine ; voix de tes ancêtres, murmures en crescendo, chuchotements traumatiques de ceux que l’on entendra plus
mais pour que tu sois là, parvenue, écorchée, tendue en croix ; que tu sois là, debout, descendante des êtres chers et des oubliés, pour que dans tes yeux rient leur souvenir qui s’effrite ; que dans tes mains les amoureux se nichent, que tu sois là, la tourmente des passions auxquelles tu t’enchaînes ; que tu sois là, enfin, dans le rythme des autres qui t’entraînent déjà vers l’avant, vers l’après