vers une mode éthique : reborn clothes

J’ai eu la chance de partir en Guadeloupe aux dernières vacances. Plages immenses, esseulées, étendues de sable blanc à perte de vue, couleurs vermeilles et merveilles des paysages insulaires… Et puis, aussi, décharges publiques au bord des routes, sargasses envahissant les mers, débris des hommes parsemés sur les sentiers. L’autre versant d’une réalité moins idyllique que celle des cartes postales : celui d’un monde définitivement pollué, irrévocablement saccagé. Par le plus redoutable des prédateurs, l’homme dont la main arrache plus qu’elle ne cueille. La catastrophe écologique que nous vivons n’épargne aucun recoin de la planète, pas même le paradis terrestre où j’ai cru pouvoir trouver une nature inabîmée. Nous observons la trace de notre vie détruire ce qui nous a été offert, à la fois honteux, responsables, et impuissants. Enfermés dans une fatalité qui nous dépasse, celle d’un monde trop grand à réparer, nous nous demandons ce qu’individuellement nous pouvons bien faire. Cette prise de conscience est générale, et touche très particulièrement la mode depuis peu. Retour sur une industrie peut-être enfin prête à changer.

L’homme, c’est par son chapeau qu’il fait passer sa civilité. L’habit, qui l’éloigne de l’animal, est censé le rendre supérieur, conscient, acteur et sujet de sa propre existence. Pourtant, la mode, deuxième industrie la plus polluante au monde après celle du pétrole, agit inconsciemment, passive face aux preuves de sa déroute, abjecte d’égocentrisme. Responsable de l’émission de 1,2 milliards de tonnes de gaz à effet de serre, de plusieurs millions de tonnes de textile jetés en décharge chaque année, de la pollution de 70% des cours d’eau en Chine : ces chiffres font peur, trop énormes pour être crus. Pourtant, la logique de la fast fashion explique ces excès désastreux : produire plus, de piètre qualité, pour attiser le désir du consommateur. Aujourd’hui, on parle même de vêtements jetables. La société de consommation, les réseaux sociaux, le webmarketing et l’eshopping créent des besoins complètement imaginaires pour mieux appâter leurs proies. Nous sommes entrés dans le circuit infernal d’une mode qui veut toujours plus, sorte de monstre gargantuesque à la gueule ouverte, dévorant tout sur son passage, insatiable animal n’écoutant que ses propres lois. Ouvrir Instagram, Youtube ou Facebook, c’est prendre le risque d’être assommé d’images alléchantes et tentatrices, de vêtements dont on nous persuade qu’ils nous sont indispensables. Les hauls gigantesques des influenceurs, les soldes qui nous font croire aux bonnes affaires, ce sont des alarmes à la consommation qui déclenchent en nous l’irrépressible envie d’acheter.

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Mais l’industrie de la mode change. Peu à peu, elle se décloisonne et revient sur ses positions jusqu’alors si fermées. Gucci, Calvin Klein, Armani, Versace, dernièrement John Galliano : ils ont dit non à la fourrure. Celle qui était encore si cotée il y a peu, emblème ultime de puissance et de richesse, disparaît lentement des catwalks. San Fransisco a pris la décision le 20 mars dernier d’interdir la vente de la fourrure, nouvelle loi en vigueur à partir du 1er janvier 2019. Les maisons favorisent maintenant l’usage de la fausse fourrure, qui permet davantage d’extravagance et, surtout, qui épargne les animaux plutôt que de les porter sur le dos. Shrimps, jeune marque londonienne, est spécialisée dans le faux-furr et réalise toutes sortes de pièces de toutes les couleurs pour une qualité remarquable. Givenchy, lors de son dernier défilé intitulé « Night Noir », a proposé une déclinaison entière de manteaux majestueux en fausse fourrure. Le même cachet, l’allure toujours autant princière, mais l’éthique en plus.

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De nombreuses initiatives proposent désormais une mode alternative, qui échappe au fast fashion et à ses dégâts inévitables, en faisant le choix d’un mode de consommation différent. Stella McCartney n’est plus seule dans son combat pour allier mode et écologie, bien qu’elle dénonce toujours le manque cruel d’investissement de la part de toute l’industrie, du luxe aux grandes enseignes. Il faut d’après elle développer la recherche textile, trouver de nouveaux moyens de créer et produire des vêtements : « J’essaye de m’intéresser aux technologies, de faire produire de la soie en laboratoire, d’utiliser des teintures innovantes et je ne pense pas qu’on voie la différence. C’est de la science, mais de la science glamour. » a-t-elle déclaré en avril à la BBC, à l’occasion du triste anniversaire de l’effondrement du Rana Plaza. Car la mode qui vit pourtant six mois à l’avance demeure archaïque. En continuant de délocaliser et en s’enracinant dans une logique destructrice de surenchère à la consommation, elle s’enfonce dans un gouffre dont il est difficilement possible de revenir.

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Le premier concept store parisien entièrement vegan a ouvert ses portes le 9 décembre dernier : bienvenue chez Manifeste011. Boutique du onzième arrondissement tenue par Maud et Judith Pouzin, elle abrite les trésors des labels végans et responsables encore peu connus du public. Des marques qui s’efforcent de garantir un système écologique sur toute la ligne de production des vêtements, de la confection à l’emballage. Recyclage, économie d’énergie, packagings responsables : c’est ainsi que sont conçus des produits enfin respectueux des urgences environnementales actuelles. Le monde du cosmétique a lui aussi ouvert les yeux et de nombreuses marques se revendiquent vegans et cruelty-free. Kat von D., Too Faced, Lush, Urban Decay… voilà où acheter ses produits de beauté pour contribuer au changement qui doit être imminent. Car la vraie élégance, elle se joue là : c’est seulement ainsi que l’on peut lire dans le style l’éclat de l’esprit.

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Nous avons atteint un point de non-retour. Notre erreur irrémédiable doit nous apprendre à réparer, dans la mesure de notre possible, à l’échelle qui nous est propre. C’est ce que s’efforce de faire l’ONG Parley for the Oceans, crée par Cyrill Gutch, ex-designer qui se bat désormais pour nettoyer les océans. L’invasion de la mode dans les contrées sous-marines, c’est 500 000 tonnes de microfibres issues du textile, soit l’équivalent de 50 milliards de bouteilles en plastique, qui terminent chaque année dans tous les océans. Alors ce n’est pas sur le voisin qu’il faut compter, ni sur l’Etat, ni sur les multinationales, il ne faut pas se dégager d’une responsabilité intrinsèque à chacun sous prétexte que « seulement moi, ça ne va rien changer ». Nous sommes ce que nous faisons, et il est temps, dans notre rapport aux vêtements, d’agir. Il faut acheter moins, et de meilleure qualité, savoir réfréner ses désirs ardents entretenus par la publicité. Plutôt que de jeter, il faut calquer le modèle cyclique de revente dans le vestiaire streetwear, en faisant du seconde main une solution première. Friperies, applications, sites de revente, vides-dressing : il existe des modes alternatifs pour se fournir en habits. Leur usage est très simple, et n’est pas réservé qu’aux fashionistas. Ces efforts sont difficiles, et le changement de paradigme au sein d’une industrie aussi prolifère que la mode va être long et lacunaire. Mais c’est maintenant qu’il débute, et c’est à tous et toutes d’en faire partie.

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friperie vintage standards

Si le luxe semble être l’oxymore de l’écologie, en tant que temple de la superficialité au summum de l’apparat matérialiste, il est de notre ressort de prouver que les deux ne sont pas incompatibles. J’ouvre ici une série d’articles mensuels pour vous montrer mes pièces issues du seconde-main, et pour proposer à cette occasion des focus sur les différentes facettes de la mode écoresponsable. Il ne s’agit pas de s’incriminer, de vivre dans une culpabilité planante, car nous fléchissons tous à l’appel d’un bien, d’une nouveauté dans la garde-robe, moi la première. C’est au contraire le moment de s’épauler, de s’échanger ses bonnes adresses et d’ouvrir le débat sur un sujet alertant, pour faire de notre mieux pour progresser ensemble. Vers un avenir où nos idées seront enfin accordées à nos tenues.

sources : fashion network / huffington post / antidote

Amélie Zimmermann

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