Le jour de ma naissance – celui dont j’ai le plus peur
On a tant cherché à s’effrayer comme des enfants ébahis par leur propre ombre. Tant qu’on a cru que la peur véritable était dehors, qu’il suffisait de l’attraper – Qu’on a oublié qu’elle est en nous, elle est nous. Ce jour où je suis née
Et chaque année on s’y reporte, masques outranciers, postiches pour pastiches de nous mêmes
car trop craintifs de ne plus nous reconnaître quand on se voit dans le miroir
et qu’alors le reflet fait peur.
le jour de ma naissance et tous les jours depuis
je suis devenue quelqu’un dont la peau est une mue et le corps une fantaisie
transformations, maquillages visage amoché, mutations anormales des gênes contre eux-mêmes
contre son sang, son corps, sa vie, son passé qui nous suit insaisissable omniprésent comme dieu dans la création, comme lune pourchasse soleil dont les reflets troubles se complètent et se déchirent
pâle objection d’un temps contraire
on se fait peur on pousse des cris, amusés on aime s’effrayer, délectation des émotions vibrantes, exutoire caché, prétexte pour ne plus s’affronter dans cette quête de l’identité. qui est on ? on se change trop, trop peu, génétiquement insatisfaits pour s’oublier on se persuade qu’on ne se ressemble pas, plus. identiques, différents, chirurgies quotidiennes de nos vies pour faire croire à l’illusion de ces destins chéris, ceux là qu’on aurait choisis. épiderme douloureux, chair à vif, je suis une autre au jour du jour où je suis née ; résurrection de mon corps imbécile sous un costume qui l’emprisonne. l’armure humaine du mal des âmes quand nos chromosomes alignés ne nous suffisent plus.
l’astrologie de notre biologie en un ciel étoilé, il pleut doucement sur mon visage indéfini – et effacé
mes larmes brouillonnes font disparaître ces mutations génétiques que j’ai cru pouvoir contrôler
Amélie Zimmermann.